Conceptions pédagogique et didactique du Rallye mathématique transalpin

Résolution de problèmes et activité mathématique

C’est en cherchant à résoudre des problèmes auxquels il était confronté que l’homme a commencé à élaborer ses connaissances mathématiques. Il y a tout lieu de penser qu’il en va de même pour l’élève. De nombreux pédagogues et didacticiens affirment que la résolution de problèmes constitue l’une des stimulations essentielles des apprentissages, par le sens qu’elle donne aux situations à mathématiser et, par la suite, le sens qui est donné aux concepts.

Mais encore faut-il s’entendre sur ce que l’on appelle « problème ».

Le Rallye propose des situations pour lesquelles on ne dispose pas d’une solution immédiate et qui conduisent à inventer une stratégie, à essayer, à conjecturer, à vérifier, à justifier sa solution, à expliquer ses démarches.

Cette définition se rapproche de celle du « problème ouvert », qu’on s’approprie rapidement, où l’on trouve des défis, du plaisir à chercher, des aspects ludiques. Ce n’est pas celle du « problème d’application » destiné à renforcer et assimiler des connaissances ou en étendre le champ d’application, qu’on situe généralement en fin de séquence d’apprentissage d’une notion. Ce n’est pas non plus celle de la « situation-problème » destinée à construire de nouvelles connaissances, exigeant des phases de recherche, des mises en commun et des séquences d’institutionnalisation qui se développent sur une longue durée.

Une des conséquences de la définition du problème de rallye est qu’il doit être inédit (dès qu’on en a trouvé la solution, ce n’est plus un problème), riche et stimulant pour les élèves. Une autre condition, imposée cette fois-ci par le contexte scolaire, est que ces problèmes doivent être exploitables en classe, après le concours. On ne participe pas au Rallye « en plus » ou « à côté » des activités habituelles mais on le conçoit comme une partie intégrante (« à l’intérieur ») du programme de mathématiques et de ses objectifs; en particulier de ceux qui concernent l’initiation à la démarche scientifique, le développement de l’autonomie, l’organisation d’une recherche, la rigueur des notations, la communication de résultats.

Débat et travail d’équipe en mathématiques

Bien souvent, le maître pense qu’il est le seul responsable de la réussite de ses élèves lorsque ceux-ci sont placés devant un problème de mathématiques. Il a tendance, par conséquent à diriger le travail, à donner des indices conduisant aux démarches les plus efficaces, à contourner les obstacles, à ériger des protections contre les erreurs, à montrer le bon chemin. C’est aussi lui qui, le plus souvent, informe les élèves de la pertinence de leur travail, juge leurs démarches et résultats.

Dans le débat actuel sur l’enseignement et l’apprentissage, la tendance est de donner aux enfants l’occasion d’argumenter, de discuter leurs solutions, de soutenir les affirmations qu’ils avancent, de valider leur travail mathématique. En un mot leur faire confiance, leur laisser la charge ou la responsabilité de leur recherche. C’est l’option choisie dans les « situations-problèmes » et les « problèmes ouverts », dans les activités autonomes comme celles des « clubs de mathématiques » ou « coins mathématiques », dans les intentions de certaines brochures ou manuels.

Cette « dévolution » (comme disent les didacticiens) de la tâche de résolution à l’élève ou au groupe est assurée par la première des règles du rallye : le maître n’intervient plus du tout dans la recherche; il le voudrait qu’il ne pourrait pas car il est absent de la classe, remplacé par un observateur extérieur dont les tâches pratiques se limitent à la distribution des énoncés.

Pour les élèves, il s’agit alors de se répartir le travail, de gérer le temps, de s’organiser à plusieurs, de contribuer personnellement à la recherche, d’accepter les contributions des autres, de pouvoir entrer dans leurs points de vue. Ces capacités ne sont pas faciles à acquérir, mais elles sont de plus en plus nécessaires pour s’adapter à la société actuelle. Il y a trop de problèmes à résoudre pour un seul élève dans une épreuve du Rallye. Là encore, les règles du jeu garantissent la coopération et la valorisation des interactions entre élèves.

Observation des élèves et évaluation

Les multiples tâches de gestion d’une activité de résolution de problèmes – mise en place matérielle, relances, interventions différenciées selon les groupes d’élèves, mises en commun – occupent généralement la totalité du temps du maître. Sous les contraintes d’organisation et d’animation, celui-ci doit se contenter d’entrevoir quelques démarches de ses élèves, de fugaces épisodes de discussions, de brèves séquences de construction. Les règles du Rallye lui confèrent un autre rôle : celui d’observateur – dans sa propre classe lors de l’épreuve d’essai, dans celle d’un collègue lors des épreuves comptant pour le concours. Il peut donc tout à loisir s’intéresser à un groupe ou un autre, voire évoluer les stratégies, assister aux débats.

Le déroulement du Rallye offre également des conditions exceptionnelles pour une évaluation des aptitudes du groupe et de ses individus. Tous les maîtres qui l’ont expérimenté le reconnaissent : ils perçoivent à cette occasion des phénomènes, des attitudes, des compétences, des lacunes ou des obstacles qu’ils n’avaient pas pu constater dans les conditions habituelles de classe. Ces observations, exploitées lors de mises en commun après la passation des épreuves, conduisent à des mises au point, des consolidations, des activités complémentaires, toutes caractéristiques d’une évaluation formative.

Valorisation de la recherche en didactique des mathématiques

Le rallye n’est pas qu’une compétition, c’est aussi l’occasion d’un intense travail d’analyse didactique. Lors de l’élaboration des sujets, l’équipe de rédaction envisage, a priori, les différentes procédures que les élèves pourront adopter, les obstacles qu’ils rencontreront, les représentations qu’ils se feront de la tâche. Puis vient l’écriture des textes, le réglage des variables qui permettra de tirer profit au mieux de la situation. Après l’épreuve, c’est la grande séance de correction où les explications des élèves, les « perles » parfois, la rigueur des justifications surtout, n’en finissent pas d’étonner les évaluateurs. Finalement les analyses a posteriori permettent de confirmer ou d’infirmer les hypothèses de départ, de faire apparaître des stratégies ou des représentations non prévues, de calculer la fréquence des types de procédures, de mesurer les difficultés rencontrées par les élèves.
En conclusion, le rallye est une opportunité de rencontre, un lieu d’échanges entre la pratique de la classe et la réflexion pédagogique et didactique.